Le projet de loi C-337

24 février 2018

CONTEXTE

Faits :

  • C’est un projet de loi d’initiative parlementaire proposé par Rona Ambrose, la cheffe par intérim du Parti conservateur et l’ex-ministre de la Condition féminine.
  • Le projet de loi C-337, Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel (agression sexuelle), obligerait tout candidat à la magistrature à suivre un cours de perfectionnement complet en matière d’agression sexuelle. Objectif : s’assurer que les juges soient bien formés sur cette problématique.
  • La loi obligerait aussi le Conseil canadien de la magistrature à produire un rapport sur les colloques de perfectionnement juridique portant précisément sur ces questions.
  • La loi modifierait également le Code criminel afin d’obliger un tribunal à fournir des motifs écrits dans un jugement pour une cause d’agression sexuelle

Pourquoi :

  • Le projet de loi a été proposé à la suite d’une controverse. Lors d’un procès qui s’est déroulé à Calgary en 2014, à la Cour provinciale de l’Alberta, le juge Robin Camp a remis en question la façon dont la victime s’était débattue contre son agresseur.
  • Il avait notamment demandé à la présumée victime d’agression sexuelle : « Pourquoi ne pas avoir baissé votre postérieur dans le lavabo pour l’empêcher de vous pénétrer et pourquoi n’avez-vous pas serré les genoux ? »
  • Il avait également appelé la plaignante « l’accusée » plusieurs fois, en plus de lui dire que « la douleur et le sexe allaient parfois ensemble ».
  • Il a fini par acquitter l’accusé.
  • M. Camp a démissionné à titre de membre de la cour fédérale en mars 2017 lorsque le Conseil de la magistrature a recommandé sa révocation.

Réaction au projet de loi :

  • Malgré ce que pourraient laisser croire les échanges tendus en comité, le projet de loi de Mme Ambrose obtient un appui assez solide des deux côtés de la Chambre. En mai 2017, la Chambre des communes a adopté le projet de loi C-337. Ensuite, le Comité parlementaire sur la condition féminine a donné son approbation. En octobre 2017, le projet de loi est en lecture au Sénat et devra par la suite passer le vote définitif à la Chambre des communes.
  • Toutefois, le Conseil canadien de la magistrature préconise un engagement volontaire plutôt qu’une formation imposée. Il craint que l’indépendance des juges ne soit compromise par la formation envisagée par Ottawa.
  • Le conseil s’oppose aussi à ce que cette formation soit élaborée notamment par des victimes et des organismes de soutien

POSITIONNEMENT D’AOCVF

  • AOcVF soutient le projet de Loi.
  • Contrairement au Conseil canadien de la magistrature, AOcVF est favorable à ce que tous les futurs juges soient obligés de suivre une formation relative aux agressions à caractère sexuel. Les juges actuellement en activité devraient également être tenus d’avoir cette formation. Les policiers et procureurs commencent à suivre de telles formations, il est donc important que les juges aussi en suivent pour améliorer le système juridique dans son entier. Des formations à tous les paliers du système criminel permettront d’éviter que les décisions prises par les policiers (choix de faire une enquête, choix d’une mise en accusation), par les procureurs (choix de poursuivre l’accusé) et par les juges (verdict de culpabilité ou non-culpabilité) le soient basées sur des mythes.
  • AOcVF souhaite que les organismes travaillant dans le secteur des agressions à caractère sexuel participent à la création de ces formations.
  • AOcVF souhaite que son Institut de formation soit sollicité et reçoive du financement afin de créer les formations en français des juges. L’Institut est en train de développer des formations en ligne pour des professionnel.les de la justice. Du financement supplémentaire permettrait de créer des ateliers de formation spécifiques pour les juges.

MESSAGES PRINCIPAUX

  • Une formation sur les stéréotypes et mythes concernant les agressions à caractère sexuel, les victimes et les agresseurs est nécessaire afin d’éviter que ne se répète le cas Robin Camp.
  • Le but d’une telle formation est d’offrir une meilleure compréhension de l’impact d’une agression sexuelle sur une femme (pourquoi elle ne porte pas plainte tout de suite, pourquoi elle ne s’est pas débattue, pourquoi elle oublie des détails, etc.)
  • Il y a des failles à toutes les étapes du processus, où les différents acteurs ne prennent pas en compte les effets du traumatisme des victimes.

Rappel sur le système de justice :

  • Lors d’un procès criminel, le procureur de la Couronne doit prouver « hors de tout doute raisonnable » que l’agression a eu lieu et que c’est l’accusé qui l’a commise. L’accusé a le bénéfice de doute pendant qu’on doute souvent de la crédibilité de la victime.
  • Lors d’un procès pour agression sexuelle, il n’y a souvent pas de preuve, donc l’accusation repose surtout sur la parole de la victime et sur sa crédibilité. Il n’est pas rare que pendant le procès, on analyse la personnalité, la vie intime et les comportements de la victime pour évaluer sa crédibilité. Beaucoup de personnes, y compris des profesionnel.les de la justice, sont influencé.es par des mythes et remettent en cause la parole des victimes.
  • Il n’est donc pas surprenant que les victimes n’aient pas confiance en système judiciaire. En effet, très peu d’elles portent plainte.
  • Seule une agression sexuelle sur vingt est déclarée à la police. On estime aussi que seulement 0,3 % des agresseurs sont tenus responsables et que plus de 99 % ne le sont pas.
  • Il est essentiel que les survivantes d’agressions à caractère sexuel au Canada fassent confiance au système de justice pénale. Il y a toutefois du travail à faire pour que les plaignantes se sentent à l’aise en cour.
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