Hockey Canada et la violence à caractère sexuel

31 octobre 2022

Cette déclaration a été rédigée à l’origine par l’Ontario Coalition of Rape Crisis Centres (OCRCC), puis traduite par Action ontarienne contre la violence faite aux femmes (Action ontarienne). La déclaration en anglais est disponible sur leur site Web : https://sexualassaultsupport.ca/hockey-canada-and-sexual-violence-ontario-coalition-of-rape-crisis-centres-ocrcc-responds/

Pour en savoir plus sur le travail d’OCRCC, découvrez leur site Web : https://sexualassaultsupport.ca/

Hockey Canada continue de faire face à de vives critiques concernant sa gestion des cas de violence sexuelle, à la suite de nombreuses allégations d’agressions sexuelles visant des joueurs de hockey canadiens. Au cours des derniers mois, on a appris que l’organisme a versé plus de 8 millions de dollars en frais de règlement à différentes survivantes depuis 1989 grâce à un fonds provenant des frais d’inscription versés à Hockey Canada.[1]

Comme militantes pour les survivantes de violence à caractère sexuel, la réaction de Hockey Canada nous indigne et nous consterne.

Les répercussions 

De multiples allégations d’agressions sexuelles par des joueurs de hockey canadien ont été révélées. En 2020, un article du Globe and Mail exposait en détail comment Hockey Canada a financé un fonds à l’aide de frais d’inscription pour régler les plaintes d’agressions sexuelles hors cours et éviter les enquêtes d’assurance[2] et les opinions du public.

Nous dénonçons cette stratégie irresponsable. Un engagement, une culture qui dénonce la violence, la formation et l’éducation et un leadership fort contribuent tous à prévenir la violence. Ce leadership a manqué chez Hockey Canada. À l’inverse, leur réaction à la violence sexuelle a engendré de nombreuses conséquences néfastes, dont :

Faire du tort aux survivantes de violence sexuelle   

Une agression est souvent accompagnée de stigmatisation, d’isolement et de silence. Ce silence est propice à la violence sexuelle et empêche les agresseurs d’être tenus responsables. Plusieurs survivantes souhaiteraient parler de leur expérience et demander de l’aide mais craignent les réactions des autres.[3] Les procédures de gestion des accusations de violence sexuelle de Hockey Canada ont à la fois renforcé cette culture du silence et minimisé les conséquences de la violence.

Faire du tort à certaines personnes de notre collectivité  

Certaines personnes sont plus susceptibles d’être ciblées pour des actes de violence à caractère sexuel. Par exemple, les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre sont plus susceptibles de vivre de la violence sexuelle.[4] Les jeunes femmes appartenant à des groupes en quête d’équité sont aussi plus susceptibles d’être ciblées pour des actes de violence à caractère sexuel.[5] Au Canada, les femmes autochtones sont trois fois plus à risque de subir une agression violente ou sexuelle que les femmes allochtones.[6] En minimisant la gravité des allégations de violence sexuelle envers les joueurs, Hockey Canada a accru le risque pour ces personnes.

Véhiculer de fausses idées sur la violence à caractère sexuel

Le silence sur la violence sexuelle contribue à la propagation de fausses idées, par exemple que la violence sexuelle est peu fréquente, qu’elle n’est pas grave ou qu’on ne devrait pas en parler. Ces mythes façonnent la compréhension de la violence sexuelle chez ceux et celles qui ne l’ont pas vécu, et chez les agresseurs et les témoins.[7] La réaction de Hockey Canada renforce ces mythes. Nous croyons que réfuter ces fausses idées vient en aide aux survivantes de violence et contribue à la prévention de la violence à caractère sexuel.

Entraîner une perte de confiance envers les systèmes et les institutions

Selon Statistique Canada, parmi les crimes violents, les agressions sexuelles affichaient le plus faible taux de signalement à la police; seulement 6 % des agressions survenues en 2019 ont été portées à l’attention de la police.[8],[9] Peu de survivantes de violence sexuelle signalent leur agression. Lorsque de grandes institutions nationales comme Hockey Canada permettent à la violence à caractère sexuel de se produire, les Canadiens et Canadiennes perdent confiance dans tous les systèmes et toutes les institutions. Cette perte de confiance peut représenter un autre obstacle dans la dénonciation et le signalement d’une agression.

Nous sommes profondément déçues par la réaction à la violence sexuelle de Hockey Canada. Plus précisément, le fonds de règlement des plaintes d’agressions sexuelles démontre la présupposition inquiétante de Hockey Canada que la violence sexuelle est inévitable[10], qu’elle ne peut être prévenue ou qu’il s’agit simplement d’un problème de gestion des risques. Au contraire, des études démontrent que la plupart des gens, y compris les hommes et les garçons, s’opposent au recours à la violence et souhaiteraient faire partie de la solution pour éliminer la violence fondée sur le genre.[11] En Ontario seulement, beaucoup d’organismes, y compris des centres d’aide et de lutte contre les agressions sexuelles, travaillent avec leurs collectivités pour briser le silence entourant la violence sexuelle et soutenir les survivantes et prévenir la violence par l’éducation.

La réaction du public

La réaction du public canadien, des députés et députées, des militantes et des commanditaires a été sans équivoque.

Le défenseur des droits des personnes survivantes et l’ancien joueur de la LNH Sheldon Kennedy a demandé la démission des cadres de Hockey Canada. En juillet 2022, Hockey Canada a émis ses excuses et s’est engagé à apporter des changements. Néanmoins, l’organisation a perdu plusieurs commanditaires majeurs. Son financement fédéral a aussi été interrompu. La ministre des Sports, Pascale St-Onge, a exhorté Hockey Canada à s’attaquer au problème systémique de violence sexuelle dans le sport. Conséquemment, le 11 octobre 2022, Hockey Canada a annoncé le départ de son chef de la direction Scott Smith et des membres actuels de son conseil d’administration.[12]

Pour mettre fin à la violence sexuelle, il faut que toute la communauté s’implique. S’attaquer à la violence sexuelle peut se faire sous plusieurs formes. Par exemple :

  • Parler de violence sexuelle aux jeunes et de leurs droits
  • Écouter les survivantes de violence sexuelle
  • Défendre les survivantes
  • Dénoncer les « blagues » offensantes sexualisées, genrées ou racistes
  • Ne pas appuyer les organisations, les institutions ou les projets qui n’assument pas la responsabilité de prévenir la violence sexuelle

Nous remercions les militantes, les leaders et les commanditaires (Esso, Telus, Imperial Oil, Tim Hortons et Scotiabank) qui revendiquent une meilleure réaction à la violence sexuelle. Ensemble, vous avez fait une différence.

C’est le moment d’investir dans les survivantes et la prévention

La sensibilisation à la violence sexuelle s’accroît; c’est une réussite importante et positive. Les survivantes de violence demandent de plus en plus de l’aide. Nos collectivités recherchent de plus en plus des moyens de venir en aide aux survivantes et de prévenir la violence sexuelle. La réaction publique envers Hockey Canada en est un exemple.

Nos recommandations

  • Des investissements immédiats à l’échelle provinciale pour soutenir les services communautaires en violence à caractère sexuel. La plupart des centres d’aide et de lutte contre les agressions sexuelles (CALACS) offrent des services depuis les années 90 (et certains centres offrant des services en anglais existent depuis les années 70). Pendant ce temps, le nombre de survivantes qui accèdent à des services de counseling de crise ou de counseling à long terme s’est multiplié — jusqu’à quatre fois dans certaines régions.[13] Pourtant, le financement de ces services est insuffisant. Nous demandons au gouvernement d’augmenter le financement de ces services essentiels. Au cours des 18 derniers mois, Bracebridge, Waterloo, Kingston, Whitchurch-Stoufville, Auroro, Georgina (dans la région de York) et le conseil municipal de Chatham-Kent ont tous adopté une résolution qui reconnaît ce besoin et réclame que le gouvernement provincial fournisse du financement accru et durable.
  • Des investissements dans les centres communautaires de services en violence sexuelle de la part des commanditaires. Tellement de commanditaires ont exprimé clairement leurs convictions en retirant leur soutien financier, et nous vous sommes reconnaissantes! Cet argent devrait maintenant être investi pour soutenir les survivantes de violence sexuelle. Les CALACS communautaires par exemple sont un modèle de service à suivre[14] et appuient les survivantes par l’entremise d’intervention de crise, de counseling, de défense des droits et d’éducation préventive.
  • Des investissements à l’échelle fédérale pour soutenir les services communautaires en violence à caractère sexuel. Maintenant que le financement de la part du gouvernement fédéral est interrompu, il devrait être réinvesti dans des solutions actuelles et efficaces. Nous effectuons ce travail, mais avons besoin d’accroître notre capacité de travailler avec les athlètes et les organisations.

Nous proposons un partenariat entre les ministères fédéraux et les CALACS pour :

  • travailler avec les athlètes et les organismes sportifs pour lutter contre la violence dans les cultures des sports;
  • appuyer la mise sur pied de programmes pour les alliés au sein de CALACS; et
  • venir en aide aux survivantes.

Ontario Coalition of Rape Crisis Centres (OCRCC) est un réseau comptant plus de 30 CALACS communautaires en Ontario. Si vous avez vécu de la violence sexuelle, ou si vous connaissez quelqu’un qui en a vécu, visitez leur site Web (ressources en anglais) : www.sexualassaultsupport.ca/support/.

Action ontarienne contre la violence faite aux femmes (Action ontarienne) a été fondée en 1988 par des intervenantes de première ligne qui avaient identifié le besoin d’un organisme provincial. C’est un regroupement féministe et francophone d’organismes qui travaillent à défaire l’oppression vécue par les femmes. Découvrez notre travail : www.dev.aocvf.ca

 

[1] Benchetrit, B. CBC News. 8 octobre 2022. What is Hockey Canada and why does it matter? https://www.cbc.ca/news/canada/what-is-hockey-canada-explainer-1.6611373

[2] Robertson, G. for The Globe and Mail. 19 juillet 2022. How Hockey Canada used registration fees to build a fund to cover sexual-assault claims. https://www.theglobeandmail.com/canada/article-hockey-canada-fund-sexual-assault-allegations/

[3] Violence against Women Learning Network, Centre for Research & Education on Violence Against Women and Children, Western University. Mai 2012. Overcoming Barriers and Enhancing Supportive Responses: The Research on Sexual Violence Against Women A Resource Document: 19.

[4] Au Canada, le taux de victimisation sexuelle était plus de cinq fois plus élevé chez les femmes (50 pour 1 000) que chez les hommes (9 pour 1 000). Statistique Canada. 25 août 2021. La victimisation criminelle au Canada, 2019https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/210825/dq210825a-fra.htm). Selon Trans PULSE, les personnes trans sont des cibles de violence : 20 % des personnes de l’enquête avaient été agressées physiquement ou sexuellement en raison d’être trans. Bauer, Greta et Scheim, Ayden. (2015). Transgender People in Ontario, Canada: Statistics from the Trans PULSE Project to Inform Human Rights Policy: 4.

[5] Wolfe et Chioda, cité dans Safe Schools Action Team Report on Gender-based Violence, Homophobia, Sexual Harassment & Inappropriate Sexual Behavior in Schools. 2008. Shaping a Culture of respect in our Schools: Promoting Safe and Healthy Relationships: 3.

[6] Association des femmes autochtones du Canada. 2021. Le plan d’action de l’AFAC pour mettre fin à l’agression contre les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre autochtones. https://www.nwac.ca/assets-knowledge-centre/NWAC-action-plan-French_2022-05-16-183414_fpjh.pdf

[7] The Learning Network. Overcoming Barriers and Enhancing Supportive Responses: The Research on Sexual Violence Against Women A Resource Document. Mai 2012: 4.

[8] Statistique Canada. 25 août 2021. La victimisation criminelle au Canada, 2019. https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/210825/dq210825a-fra.htm

[9] Cotter, A., pour le Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités. 25 août 2021. La victimisation criminelle au Canada, 2019. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/85-002-x/2021001/article/00014-fra.htm

[10] Ending Violence Association of Canada (EVA Canada). 22 juillet 2022. Statement Regarding Hockey Canada’s Handing of Sexual Assault. https://endingviolencecanada.org/statement-regarding-hockey-canadas-handing-of-sexual-assault/

[11] Flood, M. (2010) Where Men Stand: Men’s roles in ending violence against women. Sydney : White Ribbon Prevention Research Series, No. 2http://www.ncdsv.org/images/WR_WhereMenStandMen’sRolesInEndingVAW_Long_2010.pdf

[12] Hockey Canada. 11 octobre 2022. Hockey Canada Overhauls Leadership Team: Chief executive officer departs effective immediately; Board of Directors steps down. https://www.hockeycanada.ca/en-ca/news/hockey-canada-makes-leadership-changes-2022-news

[13] Selon Muskoka Parry Sound Sexual Assault Services (décembre 2021).

[14] Ontario Ministry of the Status of Women and Shore Consulting. 14 novembre 2017. FINAL REPORT: Review of Sexual Violence and Harassment Counselling Services and Helplines.

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