Bilan du gouvernement provincial (2018-2022)

Action ontarienne contre la violence faite aux femmes (Action ontarienne) est un regroupement féministe et francophone d’organismes qui travaillent à défaire l’oppression vécue par les femmes. Nous sommes un organisme non partisan. Nos réflexions analysent d’un regard féministe certaines décisions prises au cours du mandat du gouvernement du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario, mené par Doug Ford, de 2018 à 2022. Cette liste n’est pas exhaustive.

Des mesures positives

Financement pour lutter contre la traite des personnes (2020-2025)

De nombreux organismes dans la province, y compris Action ontarienne, ont reçu du financement pour faire de la sensibilisation, protéger et soutenir les survivants et survivantes de cette forme de violence et intervenir de façon proactive. De 2020 à 2025, le gouvernement investira 307 millions à ces fins.[1]

Nous sommes encouragées par la prise au sérieux de cet enjeu et du fait que les jeunes font partie intégrante de ce financement multiorganisationnel.

Changements revendiqués : Un financement pérenne pour combattre à la fois la traite des personnes et toutes les formes de violences sexistes.

Augmentation des postes dans le programme d’appui transitoire et de soutien au logement (2021)

Le gouvernement a annoncé la création de nouveaux postes de travailleuses d’appui transitoire et de soutien au logement (TATSL) dans son budget 2021-2022. La création de ces nouveaux postes est importante parce que ces travailleuses jouent un rôle clé pour les femmes aux prises avec la violence en les accompagnant dans leurs différentes démarches.

Changements revendiqués : Continuer d’augmenter le nombre de postes de TATSL pour que les organismes puissent augmenter les services offerts aux femmes. L’augmentation de tels postes dans les organismes francophones est importante pour leur permettre d’augmenter leur capacité et de ne pas privilégier le financement d’organismes bilingues.

Entente avec le gouvernement fédéral : garderies à 10 $ (2022)

En 2018, l’Ontario se situait au deuxième rang au pays pour les coûts de frais de garde d’enfants : les parents paieraient en moyenne 12 800 $ par an pour ces frais. Seule la Colombie-Britannique a des frais moyens plus élevés (14 200 $).[2] Dans la capitale provinciale, la médiane de frais de garde s’élève à 21 000 $ par an.[3] Devant ce constat, l’intervention gouvernementale est opportune.

Changements revendiqués :

  • Dans l’immédiat, l’augmentation du crédit d’impôt pour la garde d’enfants constitue une piste économique qui appuierait les parents.
  • S’assurer que toutes les familles bénéficient de la réduction des coûts des garderies. Sachant que beaucoup d’enfants ne sont pas dans des garderies agréées, notamment par faute de places, il faudrait trouver une solution pour que les parents dont les enfants vont dans des garderies non agréées ne soient pas oubliés.
  • Ouvrir le plus rapidement possible de nouvelles places en garderie (avant 2026) et permettre aux garderies non agréées de réduire les coûts pour les parents.

Autres mesures à souligner 

  • Flexibilité qu’ont eue les organisations soutenant les femmes aux prises avec la violence dans l’utilisation de leurs fonds pendant la pandémie
  • Transfert sous un seul ministère des différents services destinés aux femmes aux prises avec la violence
  • Révision de la Loi sur les services en français, même si d’autres changements sont nécessaires

Des décisions contestables

Abolition du Commissariat aux services en français (2018)

En 2018, au début de son mandat, le gouvernement nouvellement élu a procédé à l’élimination du Commissariat aux services en français[4], qui a été intégré dans le bureau de l’Ombudsman de l’Ontario. Avant sa dissolution, le Commissariat œuvrait depuis 2007 à suivre les progrès effectués par les ministères en matière de services en français et veillait à l’application de la Loi sur les services en français. Cette décision a été fortement critiquée par des groupes de revendication pour les droits des francophones en Ontario.

L’impact de l’élimination du Commissariat a tenté d’être minimisé par la création, au sein du bureau de l’Ombudsman, du poste de commissaire aux services en français (occupé actuellement par Kelly Burke). Le rôle de la commissaire est de viser à protéger les droits linguistiques des francophones en Ontario et d’enquêter sur les enjeux concernant l’offre de services en français. Par contre, les critiques à son égard sont multiples et visent notamment le manque d’indépendance du rôle et les limites liées à l’étendue des responsabilités[5].

Changements revendiqués : Le gouvernement devrait rétablir le Commissariat aux services en français. Faute de mieux, la commissaire aux services en français devrait opérer de façon entièrement indépendante.

Suppression de la Commission d’indemnisation des victimes d’actes criminels (2019)

En octobre 2019, le gouvernement a remplacé la Commission d’indemnisation des victimes d’actes criminels (CIVAC), un programme judiciaire, par un modèle administratif, le Programme d’intervention rapide+ (PIRV+). Avant son abolition, la CIVAC servait à indemniser financièrement les victimes d’actes criminels pour couvrir au moins partiellement les frais médicaux, les frais funéraires, ou la perte de revenus, jusqu’à concurrence de 30 000 $. Pour justifier sa décision, le gouvernement a cité une réduction des dépenses et une indemnisation améliorée pour les victimes. Par ailleurs, la complexité du processus, le délai de traitement, et le système basé sur la preuve du crime avant l’indemnisation, qui pouvait occasionner la suspicion des victimes, ont aussi été nommés comme raisons pour ce changement.

Cette supposée meilleure gestion s’est faite au détriment des victimes, en particulier des victimes de violence sexiste. Pour être admissible au financement, toute personne qui subit un acte criminel doit le signaler à la police ou à un autre organisme communautaire, tels un CALACS ou une maison d’hébergement, dans les 90 jours suivant l’agression. Or, nous savons que cette exigence pénalise par exemple les survivantes d’agressions à caractère sexuel qui, en raison du traumatisme vécu, peuvent prendre plus de temps avant de signaler un incident. En outre, l’indemnisation pour perte de revenus n’est plus offerte. L’ancien modèle offrait la possibilité d’interjeter appel devant un tribunal, ce qui n’est plus le cas. Les suppressions, les conditions strictes d’admissibilité et la structure purement administrative du PIRV+ entraînent l’exclusion de plusieurs victimes et une réduction importante de l’indemnisation. Cette restructuration risque de revictimiser les survivantes.[6]

Changements revendiqués : Un programme modernisé qui prend en compte les besoins des survivantes et les défis associés à la dénonciation et qui n’exige pas que les survivantes aient entamé des démarches juridiques dans des délais serrés pour avoir droit à une indemnisation.

Coupes budgétaires des CALACS (2020)

Le gouvernement s’est engagé en 2019 à investir 1 million de dollars à 42 CALACS dans la province.[7] (Par ailleurs, ce financement était moins élevé que prévu; le gouvernement libéral avait prévu une augmentation annuelle de 4 millions.[8]) L’année suivante, ces services ont été informés de l’élimination de ce financement. En réponse aux nombreuses critiques d’organismes féministes comme AOcVF et l’Ontario Coalition of Rape Crisis Centres, le gouvernement est revenu sur sa décision.[9] Si nous saluons le rétablissement des sommes promises, cette nouvelle demeure inquiétante. Les services pour femmes ne devraient pas avoir à se battre pour obtenir un financement adéquat. De plus, l’utilisation des fonds est devenue plus contraignante parce que le financement vise uniquement les survivantes de traite des personnes. Notons enfin qu’un million, réparti sur 42 organismes, correspond à une moyenne de moins de 24 000 $ sur un an, montant insuffisant pour combler la demande et remplir les objectifs du financement, à savoir l’augmentation des services pour les survivantes de traite.

Changements revendiqués : Procéder à une hausse des budgets de fonctionnement des CALACS, des maisons d’hébergement et des services pour femmes pour contrer les effets de l’inflation et améliorer les conditions de travail, et également pour offrir plus de services aux survivantes.

Autres exemples de décisions controversées

  • Le gouvernement a aboli le projet pilote de revenu minimum garanti (2018).
  • L’accès à des moyens de contraception gratuits n’est plus offert par l’entremise du régime de soins de santé de l’Ontario depuis 2019.[10]
  • Le gouvernement conservateur a aboli la table ronde pour l’élimination de la violence faite aux femmes (2019).[11]
  • En 2019, le gouvernement a mis fin à un programme visant à obtenir des données sur les personnes sans logement fixe.[12]
  • À la suite de l’attaque islamophobe à London, qui a fait quatre morts, le parti au pouvoir a refusé une motion visant à s’attaquer à l’islamophobie et au racisme (2021).[13]
  • L’Ontario ne suivra pas le pays; le 30 septembre ne soulignera pas la Journée de la vérité et de la réconciliation (2021).[14]

Des commentaires déplacés et des décisions controversées (2018-2022)

Nous estimons nécessaire de revenir brièvement sur certains commentaires et certaines décisions problématiques du premier ministre Doug Ford et du gouvernement au pouvoir.

Des commentaires déplacés du premier ministre

  • En 2018, pendant un débat télévisé, il fait un commentaire sexiste à Kathleen Wynne (ancienne cheffe du Parti Libéral de l’Ontario) et lui dit qu’elle a un beau sourire.[15]
  • Il a été photographié en 2018 avec des membres du groupe proud boys[1], un groupe connu suprématiste d’extrême droite. Il ne s’est pas excusé.[16]
  • En comparant la situation de racisme en Ontario avec celle des États-Unis, Doug Ford a rejeté l’idée que le racisme systémique est bel et bien présent dans la province (2020).[17]
  • Après une question formulée par Andrea Horwath, leader du NPD de l’Ontario (parti officiel de l’opposition), M. Ford a encore fait preuve de sexisme en comparant sa voix au bruit que font les ongles sur un tableau (2021).[18]
  • À la fin octobre 2021, en parlant de la pénurie de main-d’œuvre, il a parlé contre ces soi-disant nouveaux arrivés qui souhaitent « recevoir l’assurance-chômage et ne rien faire » (traduction libre)[19], un faux stéréotype concernant les personnes immigrantes. Il s’en est aussi pris envers ceux et celles qui « se rendaient au pays sans faire de quarantaine »[20], ciblant encore une fois (sans preuve à l’appui) les personnes immigrantes.

AOcVF a mis sur pied une liste de revendications pour le prochain gouvernement, qui prennent en compte les besoins des femmes, des filles et des personnes non binaires et œuvrent vers une société plus égalitaire : https://actionontarienne.ca/apercu-des-revendications-daocvf-pour-le-prochain-gouvernement-provincial/

 

[1] L’emploi de minuscules est voulu.

[1] https://www.ontario.ca/fr/page/strategie-ontarienne-de-lutte-contre-la-traite-des-personnes-2020-2025

[2] https://www.fao-on.org/fr/Blog/Publications/childcare-ontario-2019

[3] https://www.thestar.com/news/gta/2020/03/12/child-care-sticker-shock-plagues-parents-in-toronto-and-across-the-country.html

[4] https://onfr.tfo.org/doug-ford-se-debarrasse-de-boileau-et-du-commissariat-aux-services-en-francais/

[5] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1762754/commissaire-kelly-burke-ombudsman-services-francais

[6] https://actionontarienne.ca/enjeux/analyse-denjeu-impacts-de-la-suppression-de-la-commission-dindemnisation-des-victimes-dactes-criminels/

[7] https://sexualassaultsupport.ca/government-ends-one-time-funding-resources-for-ontario-sexual-assault-centres-ocrcc-responds/

[8] https://www.thestar.com/politics/provincial/2019/02/26/attorney-general-caroline-mulroney-boosts-rape-crisis-centre-funding-by-1-million.html

[9] https://www.cbc.ca/news/canada/toronto/ontario-sexual-assault-rape-centres-1.5486891

[10] https://www.cbc.ca/news/canada/kitchener-waterloo/ohip-plus-changes-birth-control-iud-1.5072420

[11] https://www.theglobeandmail.com/canada/article-ford-government-disbands-liberals-expert-panel-to-end-violence/

[12] https://globalnews.ca/news/6151971/ontario-government-homelessness/

[13] https://www.trtworld.com/magazine/canada-s-ontario-govt-blocks-motion-condemning-islamophobia-racism-47446

[14] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1822693/ferie-autochtones-30-septembre-pas-ontario

[15] https://globalnews.ca/news/4193345/ontario-election-smile-kathleen-wynne-doug-ford-disappointing/

[16] https://pressprogress.ca/doug-ford-stands-behind-this-photo-he-took-with-a-group-of-extremely-racist-white-nationalists/

[17] https://www.lapresse.ca/actualites/national/2020-06-04/doug-ford-recule-et-admet-qu-il-y-a-un-racisme-systemique-au-canada

[18] https://www.cbc.ca/news/canada/toronto/doug-ford-nails-chalkboard-andrea-horwath-1.5917013

[19] https://www.cbc.ca/news/canada/toronto/ford-immigrants-comments-1.6216519

[20] https://toronto.ctvnews.ca/we-re-coming-after-you-ontario-premier-slams-people-ignoring-quarantine-rules-1.5096561

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