Plaintes non fondées : failles et réalité.

4 mars 2018

OTTAWA, le 9 février 2017 – Après des mois d’enquête, le Globe and Mail découvre qu’en moyenne, une plainte pour agression sexuelle sur 5 est déclarée « non fondée », une classification qui signifie que la police considère qu’aucun crime n’a eu lieu.

Un taux de 19,39%, c’est presque le double du taux de plaintes « non fondées » pour les agressions physiques (10,84%) et beaucoup plus élevé que tous les autres crimes. Plus troublant encore, ce pourcentage change drastiquement d’une ville, ou d’une province à l’autre : 2% à Winnipeg, 7% à Toronto, mais 36% à Yellowknife et 51% à Saint John (NB).

Ici à Ottawa, le taux est de 28 %.

Étonnant ? Pas vraiment. Voici pourquoi.

Le Globe and Mail a trouvé que, statistiquement, les femmes ont plus de risques de voir leur plainte classée comme « non fondée » si elles ne correspondent pas à un certain type de victime. C’est le mythe de la « victime parfaite » : notamment, la victime parait bouleversée, elle a des blessures physiques, elle n’a pas problème de santé mentale, l’agresseur est un inconnu, et l’alcool n’entre pas en jeu.

Cette « victime parfaite » coche toutes les cases de ce qu’une femme devrait faire pour se protéger d’une agression, pour se défendre lors d’une agression, et pour dénoncer l’agression après qu’elle ait eu lieu. Pourtant, dans la vraie vie, la victime n’est jamais « parfaite ».

Ce taux de plaintes non fondées renforce le mythe persistant que « les femmes mentent sur le fait de s’être fait violée». Pourtant, si on examine la problématique en profondeur, ce taux de plaintes non fondées met avant tout en lumière de nombreuses failles du processus de plainte, les mythes qui régissent encore la crédibilité de la plaignante, et le manque d’éducation et de sensibilisation.

Ces pourcentages élevés et ces disparités massives révèlent des tendances sous-jacentes qui découragent les femmes d’aller voir la police – sachant que l’immense majorité des agressions sexuelles ne sont jamais déclarées à la police. De plus, considérant que les plaintes non fondées n’entrent pas dans les statistiques officielles, elles ne sont pas reflétées ni dans les taux d’agressions sexuelles déclarées ni dans les taux d’arrestations et de condamnations.

Cette situation nécessite beaucoup de travail de sensibilisation, et, en tant qu’organisme qui travaille dans le domaine de la violence faite aux femmes, nous recommandons particulièrement :

  • Que les agentes et agents de police reçoivent de la formation formelle ainsi que de la formation continue afin d’adapter leurs techniques d’entrevue pour prendre en compte spécifiquement les cas d’agression à caractère sexuel et de briser les mythes;
  • Que les agentes et agents de police reçoivent de la formation continue en ce qui a trait aux meilleures pratiques à entreprendre lorsqu’on intervient auprès des victimes d’agression à caractère sexuel afin d’éviter la revictimisation des femmes;
  • Qu’un comité de travail regroupant des intervenantes en violence faite aux femmes et des agents ou agentes de police soit implanté afin de formuler des recommandations pour améliorer la réponse des forces policières dans les cas de plaintes pour agressions à caractère sexuel;
  • Qu’un comité composé d’agents ou agentes de police et d’organismes communautaires soit mis en place pour revoir et évaluer les cas jugés non fondés;
  • Qu’un protocole soit élaboré en partenariat avec tous les secteurs (professionnels de la santé et de la justice, corps policier, organismes communautaires travaillant en violence faite aux femmes), pour uniformiser la réponse dans les cas de dénonciation d’agression à caractère sexuel.

Pour plus d’information : Pascaline Etter, responsable des communications, 613 241-8433 poste 29.

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